Se battre pour les femmes qui ont moins de chance

Françoise Laforce-Lafontaine fait partie de ces militantes qui se battent pour améliorer le sort des femmes qui sont sans emploi. Afin qu’elles puissent trouver leur place,    l’organisatrice communautaire de ROSE du Nord les guide pour qu’elles reprennent du pouvoir sur leur vie. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, discussion avec une femme qui œuvre avec les femmes.

Quand Françoise Laforce-Lafontaine parle des femmes sans emploi qu’elle côtoie chaque jour, c’est avec un regard d’égal à égal, sans jugement. L’organisme communautaire pour lequel elle oeuvre dans le secteur Charlesbourg à Québec, ROSE du Nord, est un collectif de femmes vivant en situation de pauvreté. Cette ressource défend les droits des femmes assistées sociales et à statut précaire et milite pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Des suivis personnalisés

Celles qui le désirent peuvent obtenir de l’aide grâce aux suivis individuels qui sont offerts. Les femmes qui frappent à la porte de l’organisme soutenu par Centraide sont parfois en situation de grande détresse.

« Quand elles viennent nous voir, c’est souvent parce qu’elles ont des problèmes avec l’aide sociale, elles sont stressées, elles sont en crise. Recevoir une lettre de l’aide sociale, c’est comme une bombe pour elle. Des fois, on doit demander pour elles des chèques de dépannage en attendant qu’elles puissent retrouver leurs prestations. »

La complexité de certains dossiers a de quoi créer tout un stress, comme en témoignent certains cas. Une femme qui avait des problèmes de santé physique et mentale et qui avait vécu des traumatismes a dû s’armer de patience pour avoir gain de cause.

« L’aide sociale ne lui reconnaissait aucune contrainte à l’emploi, même si son état ne lui permettait pas d’être sur le marché du travail. Son dossier s’est rendu jusqu’au Tribunal administratif du Québec, les démarches ont été très longues. Au bout de cinq ans, elle a pu avoir une prestation plus élevée. Mais ce sont des démarches très complexes pour des personnes qui ont des difficultés de lecture ou pas beaucoup de scolarité. »

Croire au potentiel des femmes 

Le souhait le plus cher de Françoise et de toute l’équipe de ROSE du Nord, c’est que les femmes assistées sociales prennent conscience de tout le potentiel qu’elles ont. Régler les problèmes de prestations d’aide sociale est un premier pas pour les amener plus loin.

« Quand on réussit à annuler une dette, ça réduit leur stress financier. Quand la situation de crise est réglée, on peut aborder d’autres choses avec elles. Leur réussite ne passe pas nécessairement par le marché de l’emploi. Leur contribution sociale peut être toute autre. En étant cheffe de famille monoparentale qui élève ses enfants, en étant proche aidante ou en s’impliquant dans leur communauté. »

Françoise aime bien parler d’une approche féministe conscientisante pour faire comprendre l’action de l’organisme. « On travaille avec la reprise de pouvoirs sur leur vie. Ça se fait en les impliquant dans divers comités que nous avons. Elles peuvent ainsi mettre leurs idées de l’avant dans un milieu sécurisant, avec d’autres femmes comme elles. »

Lutter contre les préjugés

La lutte aux préjugés fait partie intégrante de la mission de ROSE du Nord et ce n’est pas une mince tâche.  « Il y a tellement de préjugés qu’elles subissent. Souvent les femmes qui viennent nous voir sont à terre, elles n’ont plus d’estime d’elles-mêmes. Toute leur vie, elles se sont senties comme des BS et des profiteuses du système. Il faut reconstruire leur estime et ça passe par des rapports égalitaires. »

Chez Rose du Nord, tout le monde a son rôle à jouer. Les ateliers sont co-animés par des intervenantes et des militantes actives, tout le monde répond au téléphone et la responsabilité des repas collectifs est partagée entre toutes. Des exemples qui montrent à quel point ces femmes ont de l’importance.

Les femmes et la pandémie

Pour les femmes en situation de vulnérabilité, la pandémie représente tout un défi. Il y a d’abord la fracture numérique. La plupart des femmes assistées sociales qui fréquentent ROSE du Nord n’ont pas accès à Internet.

« Pour participer à la société en ce moment, tu dois être sur Internet. Pour les femmes qui n’y ont pas accès, c’est un isolement supplémentaire. Pour celles qui ont des problèmes de santé mentale, ce n’est vraiment pas facile non plus. »

Les préoccupations sont grandes aussi pour les mères monoparentales et celles qui sont victimes de violence. « Il y a aggravation de leur situation, dégradation de leurs conditions de vie et plus d’isolement. Si on regarde la gestion familiale quand il y a des fermetures d’écoles inopinées, ça génère beaucoup de stress pour les mères monoparentales. Il y a aussi les cas de violence conjugale, où les femmes sont confinées avec un partenaire violent. »

Avec le couvre-feu, les femmes en situation d’itinérance sont fragilisées elles aussi. Françoise est bien placée pour connaître leur réalité puisqu’elle est l’une des quatre membres fondatrices de la Clinique Droit de cité. Cet organisme soutenu par Centraide, qui a vu le jour en 2015, accompagne les personnes marginalisées dans la régularisation de leur situation judiciaire et dans la défense de leurs droits.

Le gouvernement doit agir

L’organisatrice communautaire estime que les personnes assistées sociales sont laissées pour compte dans cette crise de la COVID-19. « Ce qui est marquant, c’est qu’il n’y a eu aucune aide supplémentaire spécifique pour ces personnes. Les femmes que je côtoie le ressentent comme une injustice. Elles se sentent comme des citoyennes de seconde zone. »

Parmi les solutions envisagées, il y a l’augmentation des prestations. « Les personnes qui ont des contraintes sévères à l’emploi ont droit à des compensations plus élevées.  Nous militons pour l’élargissement de ce montant à plus de gens. Avec un revenu de base plus élevé, les prestataires de l’aide sociale pourraient se sortir la tête hors de l’eau. »

À plus long terme, ROSE du Nord vise un revenu social universel garanti, qui permettrait à chaque citoyen et citoyenne de vivre dans la dignité.

L’aide de Centraide

Pour répondre aux besoins des femmes assistées sociales, ROSE du Nord peut compter sur l’aide de Centraide Québec et Chaudière-Appalaches. « C’est vraiment précieux. Ce financement à la mission nous permet de défrayer le salaire d’une employée. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur notre travail, celui d’aider les femmes dans le besoin, sans être obligées d’inventer toutes sortes de projets. Ce financement nous assure une stabilité. »

L’organisme a aussi reçu le coup de pouce financier du Fonds d’urgence pour l’appui communautaire (FUAC) octroyé par le gouvernement fédéral et distribué par Centraide.

Ce soutien leur permettra de développer de nouvelles initiatives pour rejoindre les femmes les plus marginalisées. « On est en train de mettre en place des initiatives pour les femmes qui ne sont pas en mesure de venir à nos locaux. On va aller les voir dans les organismes comme les banques alimentaires. »

Au cours des prochains mois, l’organisme souhaite aussi faire des visites à domicile pour les femmes assistées sociales qui ont besoin de suivis individuels et qui ne sont pas en mesure de se déplacer.

La Journée des femmes

Alors que se tient la Journée internationale du droit des femmes, le 8 mars, l’heure est au bilan. Françoise admet qu’il y a eu certaines avancées. « Il y a eu cette vague de dénonciation des agressions sexuelles qui a amené une prise de conscience collective. La notion de culture du viol, on n’en parlait pas il y a quelques années, on progresse. »

Mais du même souffle, elle admet qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire. « Nous sommes loin d’avoir atteint l’égalité hommes-femmes. Il y a encore beaucoup de pauvreté chez les femmes et c’est un frein à l’égalité. La pauvreté est nuisible pour la santé. Des femmes qui fréquentent ROSE du Nord nous disent : si tu n’es pas malade avant d’entrer à l’aide sociale, tu vas le devenir. »

Mais Françoise ne baisse pas les bras, ce serait bien mal la connaître. Elle poursuit son chemin, afin que les femmes de ROSE du Nord continuent à s’épanouir et à trouver leur place au soleil.

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