Au service de la jeunesse 

Pour Richard Bégin, les travailleurs de rue sont les antennes qui font ressortir les besoins d’une communauté. Depuis plus de 30 ans, le directeur général du Centre aide et prévention jeunesse (CAPJ) de Lévis travaille ainsi à implanter des services qui répondent à ces besoins.  

« Le communautaire est un milieu professionnel et organisé, mais avec beaucoup de souplesse. Si le service ne correspond pas au besoin, adaptons le moule aux gens au lieu d’essayer de les faire rentrer dedans », explique Richard Bégin.  

Au fil des ans, les services offerts par le Centre aux jeunes en situation de vulnérabilité ont donc évolué pour s’assurer de les accompagner d’une multitude de façon dans leur démarche d’inclusion sociale : maison des jeunes, clinique mobile, travail de proximité sur le terrain et sur les réseaux sociaux… 

« Au début des années 2000, on a développé de l’hébergement parce que dès qu’on avait des jeunes en situation d’itinérance ou d’instabilité résidentielle, il n’y avait rien sur la Rive-Sud. On devait donc les envoyer du côté de Québec », raconte le directeur général.  

Pour éviter ce déracinement, le CAPJ offre ainsi de l’hébergement transitoire à Lévis pour permettre aux personnes qui le souhaitent, majoritairement issues des centres jeunesse, de se stabiliser sur une période d’un an ou deux. « On va travailler sur un paquet d’habiletés résidentielles comme faire son lavage, entretenir son logement, ouvrir un compte de banque, apprendre à cuisiner, etc. » 

De l’hébergement d’urgence a aussi été développé au début du millénaire, et la crise du logement actuel renforce son importance. « Les logements qui ont de l’allure sont de plus en plus rares quand tu as un budget modeste », rapporte Richard Bégin.  

L’implantation de ces nouvelles places d’hébergement ne se fait pas du jour au lendemain. Le directeur doit notamment engager le personnel nécessaire et mettre en place les modalités d’admission.  

Impacts à long terme 

Présent pour assurer la cohésion entre les services, la mission et les valeurs de l’organisme au jour le jour, le diplômé en éducation spécialisée reconnaît que les résultats de ses efforts et de ceux de la trentaine d’employé·e·s du CAPJ se voient surtout sur le long terme.  

« Tu rencontres un jeune avec qui tu as travaillé il y a deux ans qui te dit “quand tu as fait ça, ça l’a eu un impact.” Tu ne t’en rends pas compte sur le coup, mais tu finis par voir l’incidence que tu as eue sur le devenir de ce jeune-là. » 

Une adolescente lui vient d’ailleurs en tête pour appuyer ses dires. Alors que l’ado fréquente le cégep, sa situation familiale se détériore. Elle sera alors hébergée pendant quelques années par le CAPJ et poursuivra ses études jusqu’à l’université. « Sans ça, elle se serait retrouvée sur le marché du travail à faire quelque chose qui ne l’intéressait pas, qui n’aurait pas été nécessairement payant. Sa trajectoire de vie aurait bifurqué. » 

Avec ce genre d’histoire, Richard Bégin sait que les approches d’empowerment (ou autonomisation) et de réduction des méfaits prônées par le CAPJ portent réellement fruit.  

C’est aussi par ce type d’action que Richard Bégin s’est vu décerner la mention de bâtisseur communautaire par la Corporation de développement communautaire de Lévis en octobre 2022.  

Problème collectif 

Au regard de la population actuelle de Lévis, Richard Bégin considère le réseau d’hébergement pour personne en instabilité résidentielle assez bon dans sa ville, mais constate tout de même encore des trous. 

À la fin de 2022, le Centre aide et prévention jeunesse a donc ouvert un accueil inconditionnel afin de combler un vide de service à Lévis. « De 16 h à 23 h, plusieurs personnes itinérantes n’avaient aucun endroit où se rendre. »  

Dorénavant, ces dernières peuvent accéder à un environnement chaleureux et sécuritaire où les animaux de compagnie sont acceptés et où elles peuvent accéder à « une panoplie de services communautaires visant la consolidation de la stabilité résidentielle.»  

Ce type d’initiative, en plus de la présence des travailleurs et travailleuses de rue sur le terrain, permet au CAPJ d’entrer en contact avec des personnes en situation d’itinérance cachée. « Les gens vont dormir dans les voitures, dans des maisons de chambre sans baux, au gré du vent. Il y a même des gens qui louent leur divan », relate Richard Bégin. 

Pour en apprendre encore plus sur la situation de l’itinérance à Lévis, celui qui se considère comme une sorte de chef d’orchestre de l’organisme a participé au dénombrement Tout le monde compte du gouvernement fédéral à l’automne dernier. 

« Cette année, il y a eu une orientation différente de 2018 [année du dernier dénombrement]. On s’est concentré sur les événements attractifs, sur les lieux ciblés, ce qui va sûrement donner des résultats plus probants. »  

Le 11 octobre dernier, Richard Bégin a donc questionné les personnes en situation d’itinérance en commençant par une question de base : ont-elles un lieu d’hébergement sécuritaire où elles peuvent vivre tant qu’elles le souhaitent? « Si tu restes chez ton chum sans apparaître sur le bail, ce n’est pas un lieu à long terme », donne-t-il en exemple.  

Par la suite, des questions sur l’âge, le genre ou ce qui les a menées à l’itinérance permettent d’établir un meilleur profil du problème, et agir sur les réelles causes par la suite. 

« L’itinérance est un problème de société, pas seulement celui d’un individu. Il faut que tout le monde ait sa place dans la collectivité. Le monde communautaire permet de tisser des liens entre cette collectivité et les individus », insiste Richard Bégin.