Insécurité économique, crise du logement, détresse psychologique, bris de service dans les organismes : nous vivons présentement une tempête parfaite.

Le 12 septembre dernier, Centraide Québec et Chaudière-Appalaches a donc profité de l’événement de reconnaissance de son Cercle des donateurs majeurs pour provoquer une réflexion sur ces enjeux. Parce que le communautaire et la philanthropie sont des acteurs clés dans la mise en place de solutions, la soirée réunissait également des créatrices et créateurs de fonds et des directions d’organismes communautaires soutenus par Centraide.

« On doit comprendre le cocktail d’enjeux bien particulier qu’on vit pour ensuite intervenir et faire une différence », a lancé Alex Boissonneault, animateur de la soirée et au micro de Première Heure sur ICI Radio-Canada Première, aux quelque 270 personnes réunies au Capitole de Québec.

Bien au fait de la pression qu’ajoutent tous ces enjeux sur les populations vulnérables, le directeur général de Pech, Benoît Côté, a insisté pour dire que le personnel du communautaire était aussi grandement affecté.

« C’est à se demander si les intervenants de Pech vont être capables encore longtemps de faire leur travail. Eux aussi voient leur logement augmenter et sont tout de même payés 5 $ de moins par heure que le salaire moyen au Québec pour travailler avec des problématiques extrêmement complexes comme l’itinérance et la toxicomanie. »

Isabelle Genest, présidente-directrice générale de Centraide, a confirmé qu’elle voyait l’épuisement des organismes face à l’aggravation de nombreuses situations. Et que Centraide était plus que prêt à les soutenir devant l’ampleur des besoins.

« Je sais que la philanthropie ne règlera pas tout, mais Centraide doit faire partie des discussions avec les décideurs politiques. On a la chance d’avoir 225 Benoît qui nous donnent du jus directement du terrain. »

Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe, Québec, à la CDPQ, est du même avis et fait un parallèle avec sa propre organisation.

« Les gens font confiance à la CDPQ pour faire les bons investissements pour leur retraite. Investir avec Centraide — parce que je le vois véritablement comme un investissement — c’est investir avec des gens qui connaissent mieux que quiconque les besoins dans la communauté, peu importe la ville ou la région. »

Coprésidente de la campagne Centraide 2023, Kim Thomassin juge que la résolution des enjeux sociaux actuels passe également en formant les prochaines générations de philanthropes. « On peut tous et toutes donner à la hauteur soit de nos ambitions, soit de nos moyens. »

Coût social élevé

Chaque jour, Benoit Côté voit de nouvelles personnes arriver chez Pech en raison du contexte actuel. « Les personnes avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, celles qui vivent de revenus d’aide sociale, ces gens ne font que survivre », déplore-t-il.

La PDG de Centraide n’en revient pas de voir ces problèmes prendre de l’ampleur. « On n’a pas les moyens d’échapper ces gens-là. Chaque personne que Pech aide, que les 225 organismes aident, on lui dit “tu as de la valeur, tu es importante.” Chacune d’elle a quelque chose à apporter à notre société. »

Que ce soit sur les plans économiques ou humains, les inégalités ont un impact réel sur tout le monde, Isabelle Genest en est persuadée. « On est capable au Québec [de lutter contre les inégalités]. On est meilleur que ce qu’on fait présentement. »

Et pour lutter, Benoit Côté a de nombreuses solutions à proposer sur le court et le moyen terme, mais il rappelle que le long terme aussi est primordial à envisager, donnant en exemple l’un de leurs champs d’expertise de Pech.

« Si on veut sortir les gens de la rue, si on ne leur offre pas l’approche, l’accompagnement ou le traitement approprié, ça ne fonctionnera pas. La vision à court terme, c’est l’urgence, comme les refuges ; à moyen terme, c’est le logement ; à long terme, c’est le traitement. »

Isabelle Genest va dans le même sens, elle qui affirme que si Centraide et les 225 organismes sont présents dans l’urgence, nous en sommes tous rendus à s’attaquer aux enjeux complexes également. « Il faut arrêter de dire que ce n’est pas à moi de faire ça. On a tous une voix au chapitre des solutions. »

Pour ne laisser personne derrière, les gouvernements ont un rôle à jouer, reconnait Kim Thomassin. « Je sens qu’il y a une grande conscientisation partout. Il faut continuer le dialogue et s’assurer que les leaders n’ont pas peur de parler des enjeux, et d’en parler souvent. »

Le milieu des affaires a tout de même une grande part à jouer selon elle. « On peut ouvrir des portes au communautaire, soutenir leurs initiatives et leurs projets. On peut utiliser notre influence pour le bien commun. »

Si « s’impliquer et s’informer sont les meilleures armes contre l’individualisme et le cynisme » selon la PDG de Centraide, le bénévolat n’est pas l’unique clé aux potentiels bris de service dans le communautaire.

« Le réseau communautaire doit être reconnu comme le sont les réseaux de l’éducation, de la santé et de la justice », a mentionné Isabelle Genest, une déclaration qui a suscité des applaudissements bien nourris dans la salle.

Pour Benoit Côté, cette reconnaissance passe notamment par une hausse du financement des organismes communautaires et davantage de soutien à l’innovation. « Si ça n’avait pas été de Centraide, on n’aurait pas pu commencer nos opérations au centre de traitements de traumas multiples, une première au Canada. »

Poursuivre le travail

« Dans l’absolu, ce serait bien qu’on n’ait pas besoin de Centraide », déclare Isabelle Genest.

Mais pour le moment, il faut continuer « cette discussion constante sur les enjeux sociaux dans vos familles, vos milieux de travail », a souhaité au public Anne-Marie Boissonnault, vice-présidente au développement philanthropique et maître de cérémonie.

Elle a d’ailleurs profité de cette soirée de reconnaissance des donateurs majeurs à Centraide pour souligner l’importante implication bénévole de Robert Bédard en lui remettant le tout premier prix Robert-Bédard qui sera dorénavant remis à un bénévole ou un donateur de dons planifiés acteur de changement.

Au début des années 2000, Monsieur Bédard a rencontré des centaines de personnes pour les accompagner dans la création d’un fonds de dotation dédié à la lutte à la pauvreté. « Plusieurs créateurs de fonds se souviennent de votre passion et votre dévouement pour le programme de dons planifiés de Centraide que vous avez initié. Nous nous assurerons de poursuivre la mission que vous vous étiez donnée. »

Un exemple de leadership philanthropique dont chaque personne présente au Capitole le 12 septembre dernier peut s’inspirer alors que le don majeur connaît une augmentation significative dans la région.

Une autre preuve du fort engagement des donateurs et donatrices de Centraide dans la lutte à la pauvreté et d’une campagne annuelle qui s’annonce déjà une réussite.