Mieux comprendre pour mieux donner : les 5 grands constats de l’économiste Sébastien Mc Mahon

Lundi 22 septembre 2025
Le 9 septembre dernier, le Cercle des dons majeurs s’est réuni pour une soirée de reconnaissance placée sous le signe de l’économie.
Dans le sublime décor du pavillon Pierre Lassonde du Musée national des beaux-arts du Québec, près de 200 personnes ont partagé un moment à la fois inspirant et porteur de sens, où l’économie est devenue un vecteur de solidarité.
Au cœur de l’événement, la conférence captivante de Sébastien Mc Mahon, stratège en chef et économiste sénior de iA Gestion mondiale d’actifs. Avec un regard lucide sur les enjeux économiques actuels et une capacité de vulgarisation indéniable, il a su captiver l’auditoire en exposant les grands enjeux économiques qui façonnent notre société. Mais surtout, il a rappelé avec conviction le rôle fondamental du communautaire et de la philanthropie dans la lutte à la pauvreté.
« En tant que donateur majeur, vous pouvez faire une différence. Vous devez faire une différence », a-t-il affirmé avec conviction.
Retour sur 5 grands constats à retenir de sa conférence.
1. L’économie canadienne : solide, mais nuancée.
Sébastien Mc Mahon a ouvert le bal avec une bonne nouvelle : l’économie canadienne se porte bien.
Graphiques à l’appui, il a démontré que le taux d’épargne du ménage moyen atteint 6 % au Canada, et grimpe même à 8 % au Québec. Résultat : le ratio dette/actifs est au plus bas en près de 20 ans.
Mais derrière ces moyennes rassurantes se cache une réalité plus complexe.
« Sauf que… ça n’existe pas, un ménage moyen », a-t-il lancé, provoquant quelques réactions de surprise dans la salle.
2. Le système économique actuel crée des inégalités.
Les quintiles répartissent la population en cinq groupes égaux selon le revenu, chacun représentant 20 % de la population. Dans une société parfaitement équitable, chaque quintile de revenu recevrait 20 % des revenus disponibles.
Or, la répartition actuelle est loin de cet idéal :
- Les ménages les moins nantis reçoivent à peine 6 %, soit le tiers de leur poids démographique.
- Les ménages les plus riches captent quant à eux 42 %, soit le double de leur poids démographique.
- Et le fameux ménage médian ? Il s’endette lui aussi chaque année, en allant chercher seulement 17 % des revenus disponibles.
La réalité derrière les chiffres ? Selon Statistique Canada, en 2024, seuls les 40 % des ménages les plus riches ont réussi à épargner. Pour les 60 % restants, le budget ne se boucle qu’en s’endettant. Une démonstration percutante qui met en lumière les inégalités structurelles qui fragilisent notre tissu social.

3. La démographie façonne notre économie.
Le vieillissement de la population transforme notre paysage économique. Pour maintenir notre filet social et financer les programmes sociaux essentiels, l’immigration est devenue un levier essentiel, apportant une vitalité économique indispensable, mais aussi de nouveaux défis.
Sébastien Mc Mahon ne s’est pas contenté d’un portrait optimiste : il a aussi mis en lumière les pressions croissantes sur le marché du logement. Depuis 2019, la maison unifamiliale médiane est passée de 285 000 $ à 470 000 $, une hausse fulgurante qui rend l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour de nombreuses personnes.
Cette réalité pousse une part croissante de la population vers la location. À Québec, le coût moyen d’un appartement d’une chambre est passé d’environ 700 $ en 2019 à 1 200 $ en 2025.
Pour une personne au salaire minimum, cela représente 75 heures de travail par mois, soit jusqu’à 60 % de son revenu d’emploi brut. Une pression énorme sur les ménages les plus vulnérables.

4. Les inégalités ont un coût humain et collectif.
Sébastien Mc Mahon a abordé avec sensibilité les répercussions concrètes des inégalités sur les parcours de vie.
Prenons le décrochage scolaire. Si même dans les milieux favorisés il reste du travail à faire, les obstacles sont d’autant plus nombreux pour réussir à l’école lorsqu’un jeune vient d’un milieu défavorisé.
« Plusieurs professeurs remarquent que les élèves considéré·e·s turbulent·e·s ont souvent en fait “simplement” faim. Certains camouflent l’insécurité alimentaire vécue dans leur famille en prétendant suivre un régime, d’autres quittent l’école à l’heure du dîner pour éviter de révéler qu’ils n’ont rien à manger. »
Le coût du décrochage scolaire pour la société québécoise selon Sébastien Mc Mahon ? Près de 1,3 milliard de dollars par année.
5. Le communautaire et la philanthropie : des acteurs clés
La période de questions, animée par Isabelle Genest, PDG de Centraide Québec et Chaudière-Appalaches, a enrichi la soirée d’un regard profondément humain. Elle a rappelé avec justesse que le développement économique et social est indissociable.
« Les organismes sont des entrepreneurs sociaux », a-t-elle affirmé.
Elle a illustré l’effet multiplicateur d’un don à Centraide par un exemple frappant. Avec un don de Héros au quotidien d’un dollar par jour, le Service d’entraide Basse-Ville peut meubler en entier le logement d’une famille nouvellement arrivée à Québec.
« On parle ici de meubles, de matelas, de literie, de vaisselles. Cela représente environ 3 000 $ si cette famille avait magasiné du neuf dans un magasin bon marché. »
Sébastien Mc Mahon a renchéri : investir dans le social, c’est investir dans l’économie. Chaque geste philanthropique contribue à bâtir une société plus prospère, plus résiliente, plus humaine.
« On s’élève à donner. Il est important de le faire à la hauteur de nos privilèges. On fait partie d’une société. On se doit de l’aider », a-t-il conclu, dans un appel vibrant à la responsabilité collective.
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